L’avocat au barreau du Gabon, Nicaise Narcisse Ondo Nguema a tenu à apporter quelques éclaircis suite au décès brutal de son client. Une occasion pour l’homme de droit de dénoncer et fustiger les comportements déviants de certains agents de police et la légèreté à laquelle la justice accorde à ce dossier.
Cédric Brice Apedo Yaovi Amoumou, un jeune gabonais de 29 ans, diplômé en génie civil à l’institut des Techniques avancées (ITA) a malheureusement trouve la mort à la maison d’arrêt de Libreville le dimanche 17 mai 2020 dernier, soit 48 heures après qu’il ait été placé sous mandat de dépôt. Le rapport d’autopsie commis à cet effet mentionne l’existence de petites plaies sur le bras gauche et les cuisses, l’absence de bol alimentaire dans l’estomac et des intestins vides, un hématome sur la face interne du cuir chevelu, une fissuration osseuse temporale sur la face interne de la boîte crânienne. Il en résulte donc qu’au regard de ce rapport que Cédric Apedo a reçu des coups qui ont été volontairement portés contre lui, notamment sur sa tête avec un objet contondant et il a été volontairement privé de nourriture, ce, pendant cinq jours.Trois jours lors de sa garde à vue et deux jours lors de sa détention préventive en milieu carcéral.
Les faits
Pour ce qui est des faits, Me Nicaise Narcisse Ondo Nguema relate que, le mardi 12 mai 2020 aux environs de 4 heures du matin, huit (8) agents de police en poste à l’Office central de lutte anti drogue (Oclad), conduits par le Brigadier-chef major Michel Judicaël Mbadinga, ont fait irruption au domicile de feu Cédric Apedo, armés jusqu’aux dents et sans autorisation du procureur de la République. Ils ont au passage défoncé la porte centrale du logement, fracassé les fenêtres, braqué des armes sur les habitants, avant de les menotter. Et pour cause, la victime a été présentée comme un vendeur de Cannabis.
Une fouille est tout de suite effectuée. Celle-ci se révèle infructueuse. Cependant, les policiers n’hésitent donc pas à mettre la main sur les économies de la victime qui s’élèvent à 350 000 francs. Ce n’est qu’à 6 heures qu’elle est conduite dans les locaux de l’Oclad. Entre temps, les policiers, qui ne sont pas satisfaits, reviennent encore au domicile du défunt pour une seconde fouille qui, elle aussi, se révèle infructueuse.
Alors que ses parents le visitent au poste de police, Cédric Apedo déclarera à sa génitrice d’être victime de torture et de sévices corporelles de la part des agents des forces de l’ordre. Et que ceux-ci avaient emporté ses économies.
Selon Me Nicaise : « l’intervention est parfaitement illégale. De plus, les heures de l’intervention, l’absence d’autorisation du procureur font que les 8 policiers tombent sous le coup de l’article 288 du Code pénal qui parle de l’association de malfaiteurs et/ou d’usurpation de fonction, car ils n’étaient pas juridiquement couverts. Et que ayant agi sans mandat, ils ont commis les délits de vol et de destruction de biens immobiliers appartenant à autrui ».
Chantage et tentative d’extorsion
Jeudi 14 mai, un rendez-vous est donc donné à la mère de la victime par dame Stella Ada Owone, lieutenant de police et enquêtrice en charge de la procédure pour un potentiel remboursement. Ce dans le mépris total des règles de procédure pénale en matière de scellé. L’agent de police va exercer un chantage et une tentative d’extorsion de fond à hauteur de 2 millions de francs, prix de la liberté de la victime, avant de lui remettre une modique somme de 80 000 francs. Où sont donc allés les 270 000 francs restants?
Suite au refus de cette dernière, le lieutenant se résout donc à déférer la victime devant le parquet de la République le vendredi 15 mai dernier. Celle-ci est placée sous mandat de dépôt à Gros-Bouquet.
Cédric Apedo succombe aux coups et blessures et privation d’aliments
Le dimanche 17 mai et contre toute attente, la famille reçoit un appel de la maison d’arrêt leur annonçant le décès brutal de leur fils. Invitation leur est donc faite de s’y rendre pour récupérer la dépouille.
Selon l’avocat, les parents du défunt auraient attendu toute la journée avant de découvrir le corps baignant dans une mare de sang. Un médecin légiste est dépêché pour une autopsie. C’est donc à la suite des conclusions choquantes qu’ils déposent une plainte.
Compromission du tribunal de Libreville
Le Brigadier-chef major Michel Judicaël Mbadinga et le lieutenant Stella Ada Owone sont présentés au parquet. Celui-ci retient deux chefs d’accusation : « des présomptions suffisantes d’avoir volontairement porté des coups ayant entraîné la mort de la victime. Et d’avoir tenté d’extorquer des fonds à sa génitrice ».
Alors que selon Me Nicaise Nguema : « les faits reprochés sont d’une extrême gravité, puisqu’il s’agit d’un fait de nature criminelle étayée par une suffisance de preuves non équivoques. De plus, le juge en charge du troisième cabinet d’instruction n’a pas trouvé mieux que de décerner un mandat de dépôt provisoire de 9 jours. Ensuite, il s’est permis de s’autosaisir avant le terme du mandat, en violation de la règle de la prescription exécutoire du mandat de dépôt, ainsi que celle selon laquelle un juge ne peut s’autosaisir pour défaire ou rétracter sa propre décision », fait-il observer.
Et d’ajouter : « l’ordonnance de mise en liberté d’office après incarcération provisoire délivrée trois jours avant le terme fixé par le mandat de dépôt est absolument illicite. Du fait qu’aucune disposition de Code de procédure pénale n’autorise un juge d’instruction ayant pris un mandat de dépôt provisoire à statuer ex nihilo sur ledit mandat avant son terme ».
La saisine de la chambre d’accusation
Constatant donc l’absence de fondement légal de l’ordonnance de mise en liberté d’office, l’avocat a saisi la chambre d’accusation pour qu’elle déclare nulle et de nul effet ladite ordonnance, qu’elle ordonne les deux agents de police à terminer l’exécution du mandat de dépôt, qu’elle dessaisisse le juge en charge du troisième cabinet d’instruction au profit d’un autre juge d’instruction et qu’elle prononce un mandat de dépôt tout court contre tous les policiers présumés auteurs du crime de son client. Par ailleurs : « j’invite le ou la futur(e) juge à orienter l’instruction du côté de la maison d’arrêt afin de recueillir tous les faits qui pourraient permettre d’établir l’éventuelle responsabilité des agents de la sécurité pénitentiaire ou des co-détenus par extraordinaire », sollicite-t-il.
La maison d’arrêt de Libreville mise en cause?
Enfin, l’homme de droit fustige le silence du directeur de la maison d’arrêt de Libreville à qui une correspondance a été adressée, « qu’il dise si lors du dépôt de mon client dans son établissement, celui-ci a été examiné par le médecin des lieux ? Si oui, dans quel état physique y a-t-il été déposé ? Dans quelles conditions ou circonstances mon client est-il décédé ? Pourquoi le médecin de la prison a refusé de remettre le corps sans vie aux parents ? Pourquoi ce même médecin a préféré transférer le corps à une société mortuaire ? », S’interroge Me Nicaise Nguema bien décidé à ce que le droit soit dit.
Une histoire rocambolesque qui vient une fois encore choquer l’opinion. La psychose gagne désormais les esprits qui se disent ne plus être en sécurité par ceux qui sont sensés le leur apporter. La justice gagnerait donc à élucider cette affaire, afin que les auteurs de ces actes ignobles y répondent tout simplement.
La source: Kongossanews