Gabon/Politique : «J’ai mal !» Dixit François ONDO EDOU

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Mal aujourd’hui en suivant l’actualité politique de mon pays. Mal en observant et en analysant les faits et gestes de certains acteurs politiques gabonais très agités ! Pourtant il y a bien d’autres qui ont connu des carrières politiques remarquables, à l’instar de l’ancien Vice Président Divungui Di Dingue ou de l’ancien Premier Ministre Paul Biyoghe Mba et bien d’autres responsables de haut vol qui savent observer la loi du silence et suivent avec intérêt la marche du pays vers la félicité.

Sous le régime déchu, les actes gravissimes que certains de ces agités ont posés n’ont donné lieu à aucune poursuite judiciaire. Rien d’étonnant : l’impunité, érigée en règle de gouvernance, leur permet encore de narguer les citoyens lambda et de continuer, tranquillement, à rouler carrosse. Mieux, leur ancien parti unique et leur caste sont encore en première ligne, au grand dam du peuple. Les Gabonais – impuissants – crient haro. Rien n’y fait…

Lors de la dernière cérémonie de présentation des vœux au Chef de l’État, le président de la transition qui est à l’écoute de ces clameurs et ces complaintes a donné l’alerte :

« L’heure de l’impunité est terminé, a-t-il dit au Premier Ministre ! » A Makongonio, Medouneu, Ndindi, Lastourville, Gamba et partout ailleurs, les Gabonais apprécient. Paradoxalement, certains de ceux qui sont concernés par cet avertissement ne semblent pas y croire. Confortablement établis dans leur confort matériel, ils ont fini par oublier que le temps, les hommes et même les mœurs ont changé. Les technologies aussi. Cela est d’autant plus vrai que chaque jour, la toile nous inonde de petites vidéos qui remettent au goût du jour les actes insolites et autres événements ayant fait la une de l’actualité dans le passé. 

 

Ali Akbar Onanga vient d’en être la vedette malheureuse. En 2016, il avait été clairement établi qu’Ali Bongo disposait d’un acte de naissance frauduleux, trafiqué à Libreville en 2009. Ce personnage à l’imagination très fertile a mis au point un stratagème inédit. Juché sur des échasses du palais du bord de mer, en compagnie d’Ali Bongo himself, il est allé déposer à la CENAP le dossier – sans acte de naissance – du candidat du PDG à l’élection présidentielle. Le stratège de circonstance avait promis de compléter la pièce manquante au dossier dans un délai de 48 heures. Il n’a jamais tenu parole. Bien évidemment, nonobstant l’absence de l’acte de naissance, la commission électorale valida la candidature et l’homme au dossier incomplet fut même élu en dépit des résultats grossièrement frauduleux du Haut-Ogooué.

 

Et, malgré ces crimes et délits que seuls les hommes de droit peuvent qualifier avec force détails, voilà cet homme qui refait surface sur la scène politique avec un autre rôle, tout aussi inédit : celui de moralisateur.

J’ai mal quand je vois ce changement de rôle. Le faussaire d’hier, sans vergogne, vient aujourd’hui nous donner des leçons de démocratie et de gouvernance ? Incroyable…

J’ai mal quand je vois Bilie By Nzé, le dernier Premier Ministre d’Ali Bongo, auteur de tous les coups politiques tordus d’avant la présidentielle de 2023, convoquer des journalistes pour des conférences de presse. Et personne, vraiment personne pour lui poser les questions essentielles que se posent les Gabonais, par rapport à ce passé encore très récent.

Le verbe mielleux et teint de mensonge ne peut effacer l’Histoire. L’art oratoire ne saurait absoudre les actes gravissimes que ce volubile a posés avant l’élection présidentielle de 2023. Peut-on oublier en quelques mois cette tonitruante profession de foi de 2023 :

« le PDG n’est pas prêt à vous passer le relais. »

Et revoilà cet homme, devenu chantre de la démocratie et apôtre de la transparence par de simples artifices de com. Il peut se permettre d’organiser des réunions et autres rencontres publiques avec Albert Ondo Ossa à qui était destinée cette profession de foi de 2023.

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Je perds mon latin et commence à prendre au sérieux le point de vue de nombreux journalistes occidentaux qui pensent que beaucoup de leaders politiques africains n’ont aucun projet de société. Selon eux, ils n’auraient qu’une seule ambition, accéder au fauteuil présidentiel ou, à tout le moins, être associé à la gestion du pays. 

J’ai mal quand je pense aux tonnes d’énergie que certains amis et moi avons déployées pour concevoir Alternance 23. A toutes ces nuits sans sommeil consacrées à concevoir des stratégies; à cette campagne électorale éclair et à tous les risques encourus pour l’élection présidentielle de 2023.

Ensemble, pendant de longs mois, nous avons discuté de notre pays et avons compris les gesticulations du dernier Premier Ministre d’Ali Bongo qui avait réussi l’exploit d’inscrire son patronyme dans le livre des records Guinness en instituant, pour des élections générales, un ticket Président de la République/député à l’assemblée nationale. Nous imaginions combien John Locke et Montesquieu se retournaient dans leurs tombes en apprenant ce qui se faisait au Gabon.

En effet, Montesquieu dans l’Esprit des lois, (livre VI chapître XXI) insiste sur la séparation, notamment sur l’équilibre des pouvoirs dans une démocratie. Où, ce chantre d’Ali Bongo, renégat devenu, est-il allé chercher une compote si puante et si indigeste ?

Malgré de telles effluves, la Cour Constitutionnelle de Marie Madeleine Mborantsuo a jugé acceptable une telle formule.

J’ai mal de lire à longueur de journée, sur les réseaux sociaux, les commentaires des gabonais désabusés, à l’instar de la réaction de cet internaute sur Facebook : quatre feyman politiques en bande organisée pour de défendre leurs intérêts au détriment du peuple gabonais.

Ça me fait vraiment mal de constater que pour une grande partie de l’opinion, celui que nous avons choisi à Alternance 23 est aujourd’hui qualifié de feyman. Tout simplement parce qu’il est assis sur la même table que deux hommes : l’auteur de « Awou ma wou » et l’acteur politique qui renia Alternance 23 à quelques jours du scrutin.

Je ne suis pas un théoricien de la politique, je garde toutefois en mémoire quelques idées développées autour de nous dans les mouvements d’étudiants des années 60-70, à savoir la théorie des contradictions. Par quel miracle l’un des piliers essentiels de la contradiction principale qu’était l’ancien régime s’est il mué en progressiste chevronné pour que certains Gabonais normaux empruntent le même bateau que lui ?

Quand est-ce que le général Brice Clotaire Oligui Nguema et le CTRI que le peuple gabonais considère comme les libérateurs, sont-ils devenus pires que la bande des collégiens du bord de mer et tous les autres fossoyeurs qui ont plongé le pays dans le chaos ?

J’ai mal ! Acteur politique de premier plan depuis 1981, j’observe, éhonté, la classe politique à laquelle j’appartiens. A mon âge, la sagesse exige que ma réflexion et mes actes soient essentiellement orientés vers la Vertu. La nécessité de reconstruire ce qui a été détruit s’impose à nous, Gabonais ! C’est cette nouvelle entreprise à laquelle nous sommes tous conviés. Cette autre page de l’Histoire s’écrira avec de jeunes acteurs pour la plupart. 

Sous nos yeux, s’exprime déjà une réelle volonté de changement dans tous les secteurs. Cela se fait encore avec des imperfections, mais dans un réel souci d’inclusion qui tranche clairement avec le passé. Et pourtant, nous l’admettons tous, la perfection n’est pas de ce monde. C’est l’occasion d’ouvrir le débat dans nos corps de garde et autres mbandja, chacun étant en mesure de faire des propositions constructives, parce que notre pays doit avancer pour affronter les nombreux défis de demain ! En tout cas, comme Franco et l’OK Jazz, je suis convaincu que le temps passé ne reviendra plus !

François ONDO EDOU, Acteur politique.

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