Voici ce qui se serait passé à ce stade de cette affaire dont le fond m’échappe, si le Gabon était un État régi par le Droit juste, conforme aux conventions internationales et aux lois internes protectrices des droits de l’homme.
Notons d’abord que dans un État de droit la forme compte autant que le fond. Autrement dit, si l’on ne respecte pas la façon de faire édictée par la loi, on annule tout ce qui a été fait durant cette période d’égarement et on recommence si l’on tient à voir aboutir « son » affaire.
Dans le cas d’espèce, la garde à vue de Nicolas Nguema au delà des délais prévus par la loi dans les locaux du B2 s’était transformée en séquestration arbitraire. Tout en nous souvenant que l’homme, domicilié à Libreville, ayant pignon sur rue, avait fait l’objet d’un rapt avant de se retrouver sous mains de justice au B2.
Que devait-il se passer ?
1/ Le Procureur de la République aurait dû annuler « la garde à vue » et la totalité des actes (auditions, procès verbaux…) dressés au cours de cette période de non-droit.
2/Le même Procureur aurait dû adresser au principal responsable du B2 une note de rappel des dispositions de la loi en matière de garde à vue.
3/ Ce même Parquet parallèlement aurait dû ouvrir une enquête, voire une instruction judiciaire afin de fixer les responsabilités de ceux qui s’étaient livrés à cette violation délibérée de la loi, devenue malheureusement la norme au Gabon.
4/ Le Ministre de la justice informé aurait dû demander des comptes au Procureur et interpeller son collègue de la Défense sur les dérives enregistrées dans l’un de ses services.
5/ Le Ministre de tutelle du B2 aurait dû officiellement ouvrir une enquête administrative avec des mesures provisoires de suspension des agents et officiers de service ayant cautionné et couvert ces faits.
6/L’Observatoire des droits de l’homme (ou son équivalent) aurait dû tirer la sonnette d’alarme en interpellant et le Procureur de la République, et le Ministre de la justice, et le Premier ministre.
À ce stade de l’affaire, la remise en liberté de Nicolas Nguema était donc de droit et c’est ce qui fut fait dans un premier temps (mais certainement pas pour des raisons de respect de la légalité ). Cette décision louable et juste au demeurant à cet instant là aurait dû être suivie de l’annulation de l’entière procédure concoctée par le B2.
7/Enfin et afin de préserver et garantir les droits des parties dans ce type de procédure qui aura souffert de la faiblesse ou de la force du treillis, c’est selon, le Procureur avait le pouvoir de confier le dossier, et il devait le faire, expurgé des actes irréguliers, hormis la plainte, à une autre unité judiciaire qui aurait repris l’affaire au point de départ pour une enquête préliminaire en bonne et due forme respectueuse des droits de la défense. Hélas…
Cette démarche qui découle du respect de l’éthique juridique en écho à l’exposé des éléments factuels et circonstanciels ci-dessus exposés aurait permis de remettre le train judiciaire sur les rails. Du moins dans ce dossier exposé à l’international. Hélas…
Cette ignorance volontaire ne peut résulter d’une méconnaissance du droit ni de sa pratique, elle relève manifestement d’un choix délibéré d’écraser ce dernier, soit par peur de représailles hiérarchiques, soit par contrainte, soit du fait du poids de l’argent, ah l’argent ! Ou simplement de l’intention de nuire. Mais au dessus de tout, de l’ignoble force du politique dans ses relations adulterines. Les raisons pour ne pas dire le Droit ou faire dire n’importe quoi au Droit, nous le savons, ne manquent pas. Surtout dans un pays à la dérive, livré à des hyènes et des charognards ayant pris place au centre des affaires du pays !
Le droit pénal à bon dos, le pauvre. Lui dont l’essence est d’interprétation stricte tant dans l’application de ses règles de procédures, que dans l’interprétation des faits, lui, le pauvre, à l’ombre de qui et au nom de qui on enlève, on séquestre, on torture, on emprisonne, on… (Les cas de Zibi Abeghe, Pascal Oyougou, Ballack Obame, Armel Mwembine et autres sont là pour nous rappeler cette liaison, assumée et destructrice de vies, entre le politique et le judiciaire.)
Les Avocats et les Magistrats ne le savent que trop bien « lorsque la politique fait irruption par la porte, le droit sort par la fenêtre » Il n’y a point de justice en dictature. Et en dictature il n’y a de vérité que la dictature elle même.
Ça on le sait, mais on se surprend toujours à rêver d’un juge Falcone gabonais ou d’une juge Eva Joly gabonaise.
Mon cher Nicolas Nguema. Que la résilience et l’espérance soient tes compagnes de tous les instants au moment de souffrir le calvaire de la privation de liberté.
À chaque jour suffit largement sa « haine » !
Me Fabien Méré